La surpopulation carcérale en France

Le problème de la surpopulation carcérale en France existe depuis des années, comme le montre les avis successifs des contrôleurs généraux des lieux de privation de liberté — le dernier datant du 14 septembre 2023 — ou les condamnations de l’État par la Cour européenne des droits de l’Homme. Une surpopulation qui ne permet pas de respecter le principe de l’encellulement individuel prévu par la loi depuis 1875, mais également ne permet pas d’assurer la mission de réinsertion de la prison, facilitant ainsi la récidive, tout en exposant les détenus et les membres de l’administration pénitentiaire à des conditions de vie ou de travail dégradantes.

Une main de justice de plus en plus imposante

Les statistiques du ministère de la justice laissent apparaître que le nombre de personnes sous main de justice a connu une évolution largement supérieure à celui de la population française. Ainsi, alors que cette dernière n’a augmentée que de 22,44 % entre 1982 et 2023, la population sous main de justice a bondi de 237,81 %. Du fait de la politique du tout prison, le ratio de personnes détenues est passé de 23,75 pour 10 000 habitants en 1990 à 38,40 pour 10 000 en 2023.

Mais une détention plus limitée

Dans sa réponse à la CGLPL, le ministre de la justice, Eric Dupond-Moretti, indique que « si l’on pouvait s’attendre à une progression du nombre de personnes détenues depuis 1960 au regard de l’augmentation de la population française et de la forte hausse de la criminalité dans les années 1970, c’est un tout autre phénomène qui a pu être observé : le volume des entrées en détention a sensiblement baissé. La durée de détention a toutefois augmenté significativement et généré une hausse du taux d’occupation des établissements ». Les statistiques disponibles indiquent que le taux de placement en détention des personnes mises sous écrou est passé de 94 % en 2006 à 74,2 % en 2021, ce qui permet effectivement de baisser le nombre de détenus de manière considérable. Ainsi, en 2021, avec le taux de mise en détention de 2006, le nombre de mise en détention aurait été de 97 142 contre 76 663. Cela a été rendu possible par la mise en détention à domicile sous surveillance électronique (créée en 2000), qui représentait en 2021 un effectif de 36 122 détenus — contre un peu moins de 6 300 en 2006 — et 71 % des aménagements de peines et libérations sous contraintes.

Le plan 15 000 places.

En 2017, le gouvernement a lancé un plan de construction de 15 000 places nettes d’ici à 2027. La CGLPL, dans son avis, remet en cause cette hausse capacitaire sur la base de l’explosion du nombre de places les années précédentes : « Cette fuite en avant capacitaire est par ailleurs insoutenable sur le plan économique, entraînant par elle-même des atteintes aux droits des détenus, puisqu’elle révèle une impuissance à entretenir les locaux existants, dont la plupart sont dans un état épouvantable, et que les annonces de nouvelles places ne sont que rarement suivies de constructions effectives (entre 2010 et 2023, quatre annonces de création de 15 000 places de prison n’ont finalement abouti qu’à la livraison de 3 000). Alors que 12 000 places ont été construites entre 1990 et 1996, soit 2 000 par an, le gouvernement prévoyait un rythme de construction inférieure à 1500 par an. Porté par l’agence publique pour l’immobilier de la justice (APIJ), le programme prévoit la répartition annuelle suivante :

AnnéePlaces nettesPart
20175403,58 %
20185873,89 %
20197995,30 %
202000,00 %
20211230,82 %
20227324,86 %
2023178011,81 %
20242801,86 %
2025253116,79 %
2026271017,98 %
2027499433,13 %
Total15076100,00 %

Ce tableau permet de constater que les deux tiers des places sont programmées pour les années 2025 à 2027.

En prolongeant la tendance haussière des détentions (+ 1,18 % en moyenne entre 2018 et 2023), le problème de la surpopulation carcérale pourrait, en théorie, être réglé par ce programme, mais sans aucune marge de manœuvre.

Références

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